Les conseillers de l’Ile de Nagazidja ont déposé une motion de censure contre l’exécutif de l’Ile. Finalement, ça sert à quoi une motion de censure? Une motion de censure, mais qu'est ce que c'est ?
C'est un rituel, un cérémonial, une liturgie, une procédure technique qui permet de faire
tomber un gouvernement…
Est-ce que ça signifie que c'est un coup politique ?
Non, ce n’est pas un coup
politique, mais c’est une forme de coup politique, un coup politique à
l’envers…parce que légal, reconnu et accepté. C’est une façon pour le Conseil
de Ngazidja de déposer sa carte, d’imprimer l'éternel retour de sa force
délibérative, d’imposer sa légitimité en tant qu’organe représentative, enfin de bousculer un peu les assurances du
Gouverneur. Il s’agit là d’un retour en
force du pouvoir délibératif ou pour dire mieux de sa marque de son empreinte
politique.
Quel est donc le but Msa Ali, à part de vouloir renverser l'exécutif de l’ile ?
En général une motion de censure
est déposée soit pour s’opposer à la
politique de l’immobilisme ou contre une
crise sociale, l’inflation, contre l’incapacité de l’exécutif à résorber le chômage, contre le mépris du gouvernement à l’égard du parlement, donc ici du conseil. Cette fois, l’une de
raisons invoquées, les Conseillers ont voulu sanctionner Mouigni Baraka. Ils
ont voulu exprimer leur
mécontentement à l’égard de l’attitude
impérieuse, impétueuse et dominatrice du Gouverneur qui selon eux montre peu de considération aux fonctions
délibératives… A titre de rappel, telle motion a été déposée en France le 21
décembre 1990: contre le "mépris" du gouvernement à l'égard du
Parlement français.
Mais finalement Mouigni Baraka l’a contesté, ça traduit gravement ce mépris….
Oui, vous avez tout à fait raison
Abou. En même temps qu’on peut
comprendre que pour le gouverneur, c’est un camouflet, une gifle, un
désaveu. La contester pour des raisons
d’irrégularité soit –elles compréhensibles, me parait tout à fait vaudeville.
Pour plusieurs raisons : première raison, ça peut exprimer, confirmer, prouver
ce mépris dont il a été au principe de
cette motion. Deuxième raison, en cas de rejet de sa requête par la cour
constitutionnelle, cela pourrait être perçu comme un deuxième désaveu.
Quelles sont marges de manœuvres, les options de Mouigni Baraka?
Première option, il peut contester cette motion et tenter d’avoir
gain de cause, donc de laver son affront afin de préserver sa face, c’est qu’il
l’a fait. En revanche, cela confirmerait en
conséquence son attitude arrogante
envers cette institution, et marginaliserait davantage le Conseil.
Deuxième option, il peut
dissoudre le Conseil et organiser
d’autres élections afin de faire élire des Conseillers fidèles à sa ligne
politique, et éviter cette forme de cohabitation.
Mais vu le contexte actuel et la relative fin de mandat de cette
institution, cette option serait
profondément irrationnelle.
Troisième option, c’est
d’accepter la démission des Commissaires.
Et c'est-à-dire reconnaitre la validation de la motion de censure. Bien sûr,
accepter ce désaveu serait une victoire des Conseillers, des représentants.
Alors est ce que cela signifie qu’il est perdant, un loser ? Non, en
politique, la notion de « perdre » et de
« gagner » sont des notions relatives. On peut gagner en perdant, comme on peut
perdre en gagnant. Et là, cette figure inversée du loser, du succès dans la
défaite, s’appliquerait exactement à Mouigni Baraka. Il a tout à gagner en perdant. Parce qu’un grand nombre des citoyens avertis le considéraient comme l’une des figures rares, un modèle en matière
de démocratie représentative. Un peu comme Azali Assoumani pendant son régime,
ou le cas de Pierre Mendès France si souvent défait, mais devenu pour la France
figure de modèle pour les générations ultérieures. Le politologue Marc
Abélès n’a pas dit autre chose lorsqu’il
écrit, dans L’échec politique que « les vrais losers en politique ne sont pas
ceux que l’on croit ».
Dernière question Msa Ali Djamal, que pensez-vous de la déclaration de Abdoulfatah Said, député de Moroni Nord sur le statut de la capitale Moroni ?
Ses propos sont de nature condamnables, pas du tout
responsables. Certes, Moroni doit avoir son statut qu’il le mérite comme les
grandes villes du monde. C’est la vitrine du pays. Il faut lui donner les moyens de sa visibilité, de son
urbanité, faire de cette ville une ville innovante, moderne, une ville fleurie.
Mais cette politique urbaine en faveur de la capitale ne doit en aucun cas être au dépens de l’unité nationale.
S’attaquer à un responsable politique
qui a été à la magistrature suprême, Monsieur Ahmed Abdallah Sambi, en
versant dans l’émotivité, tout en mettant l’unité nationale en cause me parait
tout fond dangereux pour l’avenir de la communauté
politique. Parce que tels propos
incontrôlés attisent les haines, réactivent les mouvements centrifuges
séparatistes et mettent en question l’idée de Nation. La contre déclaration de
SOILIHI Siradji Eddine appelant au transfert de la capitale à Mutsamoudou en
est l’une des conséquences désastreuses de ce verbiage émotif et incontrôlé.
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