dimanche 10 juillet 2011

L'indépendance a été caractérisée par l'indifférence et l'ingratitude des hommes politiques

Radio Dounia web:Un grand Djaliko a été organisé  à Marseille, que pensez-vous de cette initiative ?

Msa Ali Djamal: Ce Djaliko géant s’inscrit dans un désir d’un monde qui se veut rappel du passé, mais à mi-chemin entre Guigoz et Soumbi. C'est-à-dire que par ce spectacle, la jeunesse s’affirme. La jeunesse se réconcilie  avec son héritage. Ce n’était pas un spectacle d’une jeunesse décrite sous la plume de Souef Elbadawi rongée par la passivité,  la démission et l‘engorgement,  mais  c'était un spectacle d’une jeunesse dynamique, une jeunesse engagée et une jeunesse affirmée. Une jeunesse qui s’approprie la politique  et tente par le passé de porter l’héritage, de marquer le respect aux morts,  d’exprimer le souci de la transmission. Ces jeunes voulaient dire enfin  la fierté de leur pays, disons la beauté et l'éclat d’être indépendants.

Mais en même temps, ce Djaliko a montré au monde ce que sont véritablement nos autorités politiques représentatives. On a vu très bien qu’aucun politique n’a été présent. Seule la jeunesse a organisé ce spectacle.  Les hommes politiques et l’ambassadeur se sont  affairés dans leur cocon, muets dans leur indifférence.

En quoi faut-il être fier de fêter l’indépendance ?

 Parce qu’être indépendant c’est s’affranchir de toute relation d’inégalité. Être indépendant c’est retrouver la culture, c’est retrouver sa liberté. La liberté de décider de son destin. La liberté d’évaluer l’échelle de ses valeurs, la liberté de définir son identité, la liberté de décider que  l’idée d’un Etat ne vient de l’extérieur, mais d’un dynamisme endogène. Etre indépendant c’est d’avoir le pouvoir de décider si une institution "cadiale" est adaptée à notre univers juridique ou doit disparaitre. C’est une  grande fierté évidement  pour tout Comorien de fêter cette journée. La plus grande déception, c’est que ceux qui sont sur l’estrade politique, n’aient pas toujours compris le sens véritable de l’indépendance, et aient été frappés de plein fouet par une trop grande indifférence  pour les symboles de la république et par une extrême ingratitude à l’endroit du gouvernement de nos morts.

Qu’entendez-vous de cette ingratitude ?

L’ingratitude, c’est cette illusion que l’on peut avancer  vers le progrès en reniant  tout héritage, qui nous vient  soit du passé, des œuvres maîtresses  ou de la culture. L’homme politique comorien ne se pense plus comme un hériter ;  s’il concède  aux ordres du devoir de la mémoire, c’est pour dénouer les pièges qui pourraient retarder ou perturber la jouissance de ses plaisirs du temps présent. Il ne pense plus aux dettes que l’on doit  à nos morts ou à ceux qui sont parmi les vivants, et qui se sont sacrifiés  pour sauver la dignité du peuple  comorien.  Ces combattants de la liberté sont aujourd’hui oubliés. Point des honneurs dont  l’histoire leur a  promis pourtant le mérite. Point de reconnaissance dont  le temps présent ne devrait pas rompre le pacte. Qui a entendu le nom d’Abdou Bakari Boina dans le discours du président docteur. Ni la fonction qu’il occupe, ni l’autorité qu’il incarne, ni la science qu’il a acquise n’ont pas eu raison sur son amnésie politique. Comme Ahmed Abdallah Sambi,  il s’est contenté d’un discours programme, toujours le même que celui de l’investiture. On attendait un discours  sur la nation, sur l’identité, sur l’héritage politique, sur les valeurs  de la république, il nous a sorti  un discours  de campagne. Puis, une grande surprise, inquiétante celle-là… qui ouvre la voie à la dénationalisation.

Vous parlez de l’affaire d’Air Mohéli internationale,  pourquoi parlez vous de dénationalisation sur cette affaire?

Parce que ça montre que maintenant on peut s’arracher aux symboles communs, s’évader de la sphère nationale, parler et créer sans témoigner de  la nation dont on provient. Ça montre que  les symboles de l’Etat ne sont plus portés par lui-même mais par une partie de lui-même… que l’on craint désormais qu’elle devienne une totalité étatique. L’affaire Air Mohéli  international n’est pas un pseudo-événement.  L’inquiétude n’est pas seulement sur  le fait que la société qui semble financer cet avion soit l’objet de tous les soupçons, que la source de ses fonds  se loge dans des zones d’ombre. Ce qui gêne gravement  l’imaginaire national c’est le qualificatif « International » chargé de sens et de symboles. Car le choix de la date n’est pas fortuit. Il coïncide avec deux dates symboliques. Le  premier vol s’est effectué le lendemain de notre indépendance et  celle du Sud Soudan… Si aujourd’hui, on ne parle pas d’Air Comores international mais d’Air Mohéli international, le sens et la symbolique en disent long.

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