lundi 19 mai 2014

La chronique de la semaine :La motion de censure, le casse tête de Mouignui Baraka



Les conseillers de l’Ile de Nagazidja ont déposé  une motion de censure contre l’exécutif de l’Ile. Finalement, ça sert à quoi une motion de censure? Une motion de censure, mais qu'est ce que c'est ?






C'est un rituel, un cérémonial, une liturgie,  une procédure technique qui permet de faire tomber un gouvernement…


Est-ce que ça signifie que c'est un coup politique ?


Non, ce n’est pas un coup politique, mais c’est une forme de coup politique, un coup politique à l’envers…parce que légal, reconnu et accepté. C’est une façon pour le Conseil de Ngazidja de déposer sa carte, d’imprimer l'éternel retour de sa force délibérative, d’imposer sa légitimité en tant qu’organe représentative, enfin de bousculer un peu les assurances du Gouverneur. Il s’agit là d’un retour  en force du pouvoir délibératif ou pour dire mieux de sa marque de son empreinte politique.


Quel est donc le but  Msa Ali,  à part de vouloir renverser l'exécutif de l’ile ?


En général une motion de censure est déposée soit pour s’opposer à  la politique de l’immobilisme ou contre une  crise sociale, l’inflation, contre l’incapacité de l’exécutif à résorber le chômage, contre le mépris du gouvernement  à l’égard du parlement,  donc ici du conseil. Cette fois, l’une de raisons invoquées, les Conseillers ont voulu sanctionner Mouigni Baraka. Ils ont voulu  exprimer leur mécontentement   à l’égard de l’attitude impérieuse, impétueuse et dominatrice du Gouverneur qui selon eux  montre peu de considération aux fonctions délibératives… A titre de rappel, telle motion a été déposée en France le 21 décembre 1990: contre le "mépris" du gouvernement à l'égard du Parlement français.

Mais finalement Mouigni Baraka l’a contesté,  ça traduit gravement ce mépris….


Oui, vous avez tout à fait raison Abou. En même temps qu’on  peut comprendre que pour le gouverneur, c’est un camouflet, une gifle, un désaveu.  La contester pour des raisons d’irrégularité soit –elles compréhensibles, me parait tout à fait vaudeville. Pour plusieurs raisons : première raison, ça peut exprimer, confirmer, prouver ce mépris dont il a été au principe de  cette motion. Deuxième raison, en cas de rejet de sa requête par la cour constitutionnelle, cela pourrait être perçu comme un deuxième désaveu.

Quelles sont marges de manœuvres, les options de Mouigni Baraka?


Première option, il  peut contester cette motion et tenter d’avoir gain de cause, donc de laver son affront afin de préserver sa face, c’est qu’il l’a fait. En revanche, cela confirmerait  en conséquence  son attitude arrogante envers cette institution, et marginaliserait davantage  le Conseil.

Deuxième option, il peut dissoudre  le Conseil et organiser d’autres élections afin de faire élire des Conseillers fidèles à sa ligne politique, et éviter cette forme de cohabitation.  Mais vu le contexte actuel et la relative fin de mandat de cette institution, cette  option serait profondément irrationnelle.

Troisième option, c’est d’accepter la démission des  Commissaires. Et c'est-à-dire reconnaitre la validation de la motion de censure. Bien sûr, accepter ce désaveu serait une victoire des Conseillers, des représentants. Alors est ce que cela signifie qu’il est perdant, un loser ? Non, en politique,  la notion de « perdre » et de « gagner » sont des notions relatives. On peut gagner en perdant, comme on peut perdre en gagnant. Et là, cette figure inversée du loser, du succès dans la défaite, s’appliquerait exactement à Mouigni Baraka. Il a tout à gagner en perdant. Parce qu’un grand nombre des citoyens avertis  le considéraient comme  l’une des figures rares, un modèle en matière de démocratie représentative. Un peu comme Azali Assoumani pendant son régime, ou le cas de Pierre Mendès France si souvent défait, mais devenu pour la France figure de modèle pour les générations ultérieures. Le politologue Marc Abélès  n’a pas dit autre chose lorsqu’il écrit, dans L’échec politique que « les vrais losers en politique ne sont pas ceux que l’on croit ».

Dernière question Msa Ali Djamal, que pensez-vous de la déclaration de Abdoulfatah Said, député de Moroni Nord sur le statut de la capitale Moroni ?


Ses propos  sont de nature condamnables, pas du tout responsables. Certes, Moroni doit avoir son statut qu’il le mérite comme les grandes villes du monde. C’est la vitrine du pays. Il faut lui  donner les moyens de sa visibilité, de son urbanité, faire de cette ville une ville innovante, moderne, une ville fleurie. Mais cette politique urbaine en faveur de la capitale ne doit en aucun cas  être au dépens de l’unité nationale. S’attaquer à un responsable politique  qui a été à la magistrature suprême, Monsieur Ahmed Abdallah Sambi, en versant dans l’émotivité, tout en mettant l’unité nationale en cause me parait tout  fond  dangereux pour l’avenir de la communauté politique. Parce que tels propos  incontrôlés attisent les haines, réactivent les mouvements centrifuges séparatistes et mettent en question l’idée de Nation. La contre déclaration de SOILIHI Siradji Eddine appelant au transfert de la capitale à Mutsamoudou en est l’une des conséquences désastreuses de ce verbiage émotif et incontrôlé.

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